Sans faire grand bruit à l’extérieur de la belle province, le gouvernement du Québec a annoncé à l’automne dernier une décision pour le moins historique. Le Québec sort du nucléaire en procédant à la fermeture de sa seule centrale nucléaire, Gentilly-2.
Si la décision ne constitue pas une réorientation majeure de la politique énergétique du gouvernement québécois, le nucléaire ne représentant que 2% de la production électrique annuelle du Québec, elle n’en revêt pas moins une valeur symbolique importante.
Une polémique énergétique
Dans de nombreux pays, l’avenir du nucléaire est l’objet d’une polémique importante. Les opposants au nucléaire font valoir que cette énergie engendre des risques trop importants tant aujourd’hui que pour les générations futures. Les impacts des radiations sur les communautés vivant près des centrales, le risque d’accident nucléaire et la question des déchets nucléaires sont les principaux problèmes soulevés.
Si l’effet des radiations sur les communautés avoisinantes fait l’objet d’un débat au sein de la communauté scientifique, il n’en demeure pas moins que ce facteur a contribué à la décision d’un pays comme l’Allemagne a tourné le dos, de manière définitive, à cette source d’énergie.
Les risques d’accidents nucléaires sont aussi une considération importante et souvent celle qui résonne le plus dans l’opinion publique. Il suffit de penser à Tchernobyl en ex-URSS ou, plus récemment, à la centrale de Fukushima au Japon pour comprendre que ces risques sont bien réels. En effet, peu importe la fiabilité de la technologie, le “risque zéro” n’existe pas et une erreur humaine, une catastrophe naturelle ou même une attaque terroriste ne peuvent pas être complètement écartées. Le problème est que lorsqu’il est question d’énergie nucléaire, les conséquences sont énormes et peuvent s’échelonner sur des centaines d’années.
Un autre enjeu moins discuté est celui des déchets nucléaires. Ces résidus de la production d’électricité nucléaire se divisent en deux catégories selon la durée pendant laquelle leurs radiations sont considérées dangereuses. Les déchets les moins radioactifs sont ceux dont la nocivité radioactive est approximativement égale ou inférieure à 300 ans. Les autres déchets peuvent avoir une nocivité qui s’échelonne sur des milliers d’années.
Par exemple, un an de production nucléaire en France, un des leaders mondiaux de l’énergie nucléaire, produisait au tournant du siècle environ 3 000 conteneurs de 500 kg chacun de ces déchets hautement radioactifs.
Considérant les centaines voire les milliers d’années pendant lesquels ces déchets présentent un risque, il est difficile d’imaginer qu’une telle industrie puisse être considérée comme durable.
Une décision économique
Le collectif Sortons le Québec du nucléaire se réjouit donc de la décision du gouvernement du Québec de procéder à la fermeture de Gentilly-2. Toutefois, malgré le travail effectué par certains groupes communautaires, force est d’admettre que cette décision ne découle pas d’une mobilisation de masse comme le Québec en a vu autour de l’exploitation du gaz de schiste par exemple.
Malgré les questionnements légitimes quant à la sécurité et la durabilité du nucléaire mentionnés précédemment, ce sont des arguments d’ordre économique qui semblent avoir motivé la décision gouvernementale. En effet, la centrale Gentilly-2 nécessitait des investissements de 4,3 milliards de dollars pour une durée de vie supplémentaire de 25 ans. Cela portait les coûts de production à 9,7 cents le kilowattheure alors que des projets hydroélectriques comme La Romaine, dans le Nord du Québec, ont un coût de production environ 35% inférieur.
L’équation était tellement claire que Claude Garcia, un économiste lié à l’Institut économique de Montréal, un organisme que nul n’oserait qualifier d’environnementaliste, a salué la décision du gouvernement Marois.
Ailleurs au Canada et aux États-Unis, l’énergie nucléaire reste très présente et son avenir semble assuré. L’Ontario produit 52% de son électricité par la filière nucléaire et le niveau de production devrait se maintenir d’ici à 2030. Aux États-Unis, les 65 centrales en opération fournissent 20% de l’électricité consommée annuellement. Il semble qu’en Amérique du Nord, le débat autour des énergies non renouvelables se concentre autour des sables bitumineux du gaz de schiste laissant l’industrie nucléaire relativement tranquille.
À l’opposé, plusieurs mobilisations importantes ont lieu dans des pays comme l’Allemagne et le Japon où la polémique entourant le sort de l’énergie nucléaire fait régulièrement les manchettes. Le gouvernement d’Angela Merkel en Allemagne a d’ailleurs annoncé la fin du nucléaire allemand d’ici 2022. Au Japon, l’incident nucléaire de la centrale de Fukushima a engendré un véritable débat de société et le gouvernement s’est engagé à fermer l’ensemble de ses 50 réacteurs nucléaires d’ici 2040. Il est à noter, toutefois, que le gouvernement japonais nouvellement élu considère la possibilité de remettre en question la sortie du nucléaire du pays.
Malgré la décision du gouvernement québécois de fermer Gentilly-2, l’avenir semble radieux pour l’énergie nucléaire en Amérique du Nord. Il est toutefois légitime de se demander si l’apparente indifférence de la population face à cet enjeu relève plus d’un manque de sensibilisation que d’une acceptation généralisée des risques que représente l’énergie nucléaire.